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UBUNTU, Solidarité prise au mot

UBUNTU, Solidarité prise au mot

Titre : UBUNTU, Solidarité prise au mot

Auteur : Moïse KASEREKA MASHAURI

Ville d’édition : Butembo

Maison d’éditions : Editions J’écris, je crie

Année d’édition : 2025

Pages : 159

Numéro dépôt légal : PM 3.02506-57340

Numéro ISBN : 978-99951-52-01-X

Format : A5

RESUME

L’imaginaire de la poétique au sens philosophique est au cœur de la relation comme lieu d’expression de l’esthétique du divers chez Glissant, qui lui-même se rapporte au travail de Victor Segalen dans la dynamique qu’il donne au projet de créolisation. La rhétorique de Glissant repose donc sur des bases solides, des quelles découlent plusieurs catégories, notamment la différence, la rencontre et la « totalité-monde » comme espace de relation, perspective toujours ouverte eu égard aux fréquences qui ryth ment l’action dans le cadre de la relation qui entremêle identi té, culture et choix politique. Glissant pense la relation comme le fondement de la poétique. Il en fait d’ailleurs la matrice de toute expérience humaine, car qu’elle soit individuelle, collec tive ou interculturelle, la relation est cette dynamique qui nour rit les échanges, les expériences, les traversées, les circulations.

La relation se cristallise ainsi autour de la créolisation, qui loin d’être un simple concept majeur chez Glissant, est bien plus à comprendre comme le fruit de la rencontre des ex périences, un espace au sein duquel se rencontrent et s’expri ment de nouvelles formes d’identités ou encore de l’identité plurielle qui reste ainsi dans une évolution permanente. Il faut reconnaître et valoriser la diversité culturelle, mais aussi faire du dépassement des frontières et des barrières qui nous sé parent les uns des autres, l’horizon politique ultime. Pour cela, le dialogue, l’échange, la compréhension mutuelle, l’homogé néisation, le «Tu» dans le «Nous» et vice versa, sont à penser comme des lieux d’élaboration d’une poétique de la relation.

La poétique de la relation invite à repenser notre rapport à l’autre et à la diversité culturelle. Elle met en avant les liens, les échanges, le dialogue, et la construction d’une identité plu rielle. La relation est la matrice de la création et de l’émanci pation. Elle ouvre les portes vers de nouveaux horizons. Pour Glissant, l’individu ne peut être compris que dans son contexte collectif, c’est-à-dire qu’il est impossible de penser un individu isolé et indépendant de la communauté. Ce sont les interactions à travers le dialogue et la reconnaissance mutuelle que l’indivi du construit à travers ses interactions au sein de la communau té, par le biais du dialogue et de la reconnaissance mutuelle. La poétique de la relation envisage l’individu comme un être en perpétuelle transformation sous l’influence de ses différentes rencontres avec les autres. L’identité ne peut être une catégorie f ixe. Elle est en constante évolution grâce aux différentes inte ractions au sein de la communauté. La relation est un outil qui permet à la fois d’explorer et de comprendre notre propre identité.

Ubuntu ! Solidarité prise au mot qui est le titre du recueil de poèmes que nous propose Kasereka Mashauri Moïse s’inscrit justement dans la perspective d’une poétique de la relation. En effet, bien que n’étant pas à proprement parler glissantien, le ton philosophique et esthétique qu’il emploie dans ce recueil, lui per met de penser poétiquement le « Je suis parce que nous sommes» en référence à ce proverbe de l’Afrique Australe qui est la ma trice de la philosophie de l’Ubuntu. Dans nos sociétés africaines actuelles, où règnent les tiraillements identitaires, les guerres et luttes tribales, les égoïsmes multiformes, sous fond d’injustice so ciale et de népotisme, il est urgent comme le pose Moïse Mashauri de repenser une politique de l’en-commun et de l’habiter en tenant compte de toutes les différences, les imperfections, les disparités et la diversalité. La poésie de Mashauri est rythmée par des ca dences politiques et esthétiques qui se donnent pour finalité de répondre à la question de savoir que signifie incarner l’Ubuntu au jourdhui ? Et plume à la main, il apporte une réponse à cette ques tion en déconstruisant les disparités présentes dans les discours politiques, mais aussi les pratiques politiques d’exclusion alimentées par des motivations égocentriques, à travers des images, des slogans, et un langage qui pensent l’individu, le clan et l’ethnie au-dessus du collectif, de la rencontre, du partage, de la transmission et de la soli darité. Ce dont il est question ici, l’affirmation d’une position éthique fondamentale, une éthique appliquée à la politique relationnelle transformative en tant que matrice d’une métaphysique de l’unicité.

À travers l’imaginaire poétique, Moïse Mashauri politise davantage l’Ubuntu, qui dans son prisme, n’est pas seulement un concept, un slogan ou encore une théorie que l’on traiterait dans les académies. Il pense un Ubuntu dynamique, qui a du sens dans un contexte diversifié et en mouvement du fait même de la rencontre de plusieurs entités socio-politiques et culturelles. Les poèmes réunis dans ce recueil chantent avec des mots forts et une vibration particulière, l’appel à l’autre, à la communauté, à la transmission, au tissage des liens et à l’en-commun. Il n’exprime pas seulement ses émotions à travers les images qu’il met en lumière, au contraire son engagement politique est manifeste dans l’orientation qu’il donne à son propos qui est au fond une utopie créatrice d’avenir. Si ses origines sont son combat, le malheur du Congo ne le laisse pas sans voix. Sa plume est la matrice de son combat pour panser les cicatrices des blessures de ce trauma qui dure depuis fort longtemps déjà. Si son bonheur s’y trouve malgré ces douleurs, c’est parce qu’il devrait contribuer à rebâtir cet univers qui constitue son espace de joie. Pourquoi donc fuir ou partir alors qu’il ne suffit que d’explorer notre homme intérieur pour retrouver ce sur quoi se fonder pour donner sens à notre monde commun.

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